2. La solidarité dans la modernité

Au XIXᵉ siècle, la solidarité devient une pratique sociale et politique destinée à transformer la société. Elle n’est plus uniquement un lien naturel ou cosmique, mais une force motrice des luttes collectives.

Définition : Dans la modernité, la solidarité est une praxis : une action collective concrète qui traduit des idéaux sociaux et politiques en réalité.

Solidarité ouvrière et révolution industrielle

La révolution industrielle a exacerbé les inégalités, créant un besoin de solidarité parmi les travailleurs. Des mouvements sociaux se sont organisés pour défendre leurs droits :

• Exemple : Grève des ouvriers du Creusot (1870) En janvier 1870, les ouvriers du Creusot, licenciés pour avoir défendu une gestion ouvrière de leur caisse de secours, reçoivent un soutien massif. Ce soutien s’exprime par des dons financiers, des grèves relais et une mobilisation générale des syndicats. Ces actes montrent que la solidarité est un vecteur de lutte contre l’exploitation.
• Exemple : Typographes de Leipzig (1865) Lors de cette grève, près de 90 % des dons proviennent d’autres typographes, dont un tiers de l’étranger. Cela illustre une solidarité internationale entre travailleurs.

La solidarité comme catalyseur de changements sociaux

Dans le film Pride (2014), basé sur une histoire vraie, des militants LGBT londoniens soutiennent des mineurs gallois en lutte contre les politiques de Margaret Thatcher. Bien qu’issus de milieux différents, ces deux groupes s’unissent face à un ennemi commun : la répression étatique. Cet exemple montre que la solidarité peut transcender les clivages culturels et sociaux.

3. La problématique de la solidarité universelle

La solidarité universelle, bien qu’idéaliste, est limitée par des contraintes pratiques, culturelles et économiques. Elle pose également des questions sur ses priorités.

Définition : La solidarité universelle est une aspiration à inclure tous les individus dans un effort commun, mais elle se heurte souvent à des limites imposées par les ressources ou les perceptions politiques.

Exemple : Catastrophes d’Haïti et du Pakistan (2010)

En 2010, deux catastrophes naturelles majeures ont révélé des disparités dans les élans de solidarité internationale :

• En Haïti, un séisme provoque 220 000 morts, entraînant une mobilisation massive des dons (plus de 229 millions d’euros débloqués par l’UE).
• Au Pakistan, des inondations touchent 20 % du territoire, mais les dons internationaux sont bien inférieurs. Des facteurs comme la perception du Pakistan (associé au terrorisme) expliquent ce déséquilibre.

Michel Rocard et la limite de l’aide

En 1989, Michel Rocard déclare : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. » Cette phrase résume le dilemme entre une aide illimitée et la préservation des capacités nationales. Plus tard, il nuance en affirmant que la France doit accueillir "sa part" de misère mondiale, montrant que la solidarité doit être équilibrée.

4. La solidarité comme moteur sociopolitique

La solidarité n’est pas seulement une valeur morale, elle est un levier pour réorganiser la société et renforcer les luttes politiques.

Exemple : Les contre-sociétés ouvrières

Au XIXᵉ siècle, les mouvements ouvriers construisent des "contre-sociétés" pour pallier les défaillances du système capitaliste :

• Création de caisses de grève pour soutenir les travailleurs en conflit.
• Développement de coopératives et d’associations offrant des services sociaux (éducation, bibliothèques, soins).