Le Défenseur des droits (DDD), créé par l’article 71-1 de la Constitution, est une autorité administrative indépendante (AAI). Institué par la loi organique du 29 mars 2011, il regroupe les missions de quatre institutions préexistantes :
- La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS),
- Le Médiateur de la République,
- Le Défenseur des enfants,
- La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).
Le DDD se distingue par deux principaux éléments liés à sa nature et son champ d’action.
§1. Le statut d’autorité administrative.
Le DDD est une autorité administrative indépendante disposant de larges pouvoirs, notamment en matière de médiation et de conciliation :
- Médiation amiable : Règlement à l’amiable de différends avant ou après la saisine d’un juge administratif.
- Conciliation : Proposition de solutions pour résoudre un litige.
- Observations dans des procédures engagées : Interventions auprès des autorités administratives ou disciplinaires.
- Transaction pénale : Évite un procès en cas de reconnaissance de la responsabilité pénale par l’accusé.
Ces mécanismes permettent au DDD d’agir dans des situations variées, par exemple :
- Suspension du RSA,
- Harcèlement scolaire,
- Harcèlement moral discriminatoire au travail.
§2. Un champ de compétence très orienté vers l’action administrative.
Le DDD intervient principalement dans deux grandes missions :
1. Défense des droits des usagers du service public (80 % des sollicitations).
2. Lutte contre les discriminations et promotion de l’égalité (15 %).
Les modalités de saisine sont accessibles :
- Saisine par toute personne physique ou morale, y compris des enfants ou des associations (article 5 de la loi organique).
- Auto-saisine : Le DDD peut agir de lui-même, notamment grâce à des signalements publics.
Le DDD a vu son rôle renforcé grâce à des adaptations des règles procédurales.
§1. Les règles de preuve.
En contentieux administratif, la charge de la preuve incombe, en principe, à celui qui allègue un fait. Cependant, pour protéger les victimes de discriminations et de harcèlement, ce principe connaît une exception importante : la charge de la preuve est inversée.
- Arrêt CE, Assemblée, 30 octobre 2009, Madame Perreux : Lorsqu’une victime présente des faits laissant présumer une discrimination, c’est à l’administration de prouver qu’elle n’a pas discriminé.
- Arrêt CE, 10 janvier 2011, Madame Coren : Extension au harcèlement moral.
- Arrêt CE, 11 juillet 2011, Madame M. : Application au harcèlement sexuel.
§2. Les règles de recevabilité.
- Arrêt CE, 7 octobre 2015, Bourjolly : Les mesures d’ordre intérieur sont irrecevables sauf si elles portent atteinte aux droits statutaires ou caractérisent une discrimination.
§1. Nature juridique.
- Le DDD rend des recommandations non contraignantes :
- Individuelles : ciblent un cas précis.
- Générales : visent des dysfonctionnements systémiques (ex. harcèlement scolaire).
- Les recommandations, bien qu’administratives, ne sont pas susceptibles de recours (CE, 13 juillet 2007, Madame A).
§2. La dimension procédurale de l’intervention du DDD.
1. Le statut du Défenseur des droits dans le procès administratif :
Le Défenseur des droits (DDD) n’est pas une partie au procès ni un intervenant au sens juridique classique. Sa fonction dans le contentieux administratif est atypique, puisqu’il agit comme un amicus curiae (ami de la cour) :
- Rôle : Éclairer le juge sur des points spécifiques en lien avec ses compétences.
- Limite : Ses interventions visent uniquement à enrichir la compréhension des faits ou des normes, sans être contraignantes.
2. L’immunité juridictionnelle des recommandations du DDD :
- Les recommandations du DDD (individuelles ou générales) sont insusceptibles de recours contentieux.
- Arrêt CE, 13 juillet 2007, Madame A :
- Le Conseil d’État considère que les recommandations du DDD, bien qu’administratives, ne font pas grief, car elles ne créent ni droit ni obligation juridique.
- Toutefois, si une recommandation reposait sur des éléments constitutifs d’une faute, un recours pour faute de l’État pourrait être engagé.
- Exemple : Une recommandation générale sur le harcèlement scolaire éclaire les pratiques des établissements mais ne peut être contestée directement devant le juge.
3. Appréciation des observations du DDD dans le contentieux administratif :
Les observations du DDD sont recevables à condition qu’elles respectent les exigences du procès équitable.
- Décision CC, 2 juin 2010 (HALDE) : La possibilité pour la HALDE (prédécesseur du DDD) de présenter des observations ne méconnaît pas le principe d’égalité des armes.
- CE, 22 février 2012, Chambre régionale d’agriculture PACA :
- Le Conseil d’État a jugé que les observations du DDD sont conformes aux principes du procès équitable, dès lors qu’elles sont débattues contradictoirement entre les parties.
- Exigence : Les parties doivent avoir la possibilité de contester ou d’accepter les éléments apportés par le DDD.
4. Le DDD comme instrument procédural au service du juge administratif :
Le DDD peut intervenir dans le cadre des modes d’instruction et des échanges entre le juge et les parties :
- Transmission d’observations écrites :
- Le DDD peut émettre un avis pour éclairer la décision du juge sans être impliqué directement dans le litige.
- Exemple : En cas de contentieux disciplinaire fondé sur une discrimination syndicale, le DDD peut fournir un rapport sur la politique générale de lutte contre la discrimination.
- Recevabilité des rapports antérieurs :
- Les juges peuvent s’appuyer sur les travaux ou rapports passés du DDD pour mieux comprendre le cadre général du litige.
- Exemple : Le juge administratif peut demander un rapport du DDD sur la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique.
5. Impact sur l’égalité des armes :
Les interventions du DDD peuvent susciter des interrogations sur l’égalité des armes entre les parties. Cependant :
- La jurisprudence (CE, 22 février 2012) et les décisions de la Cour de cassation (CC, 2 février 2011, Société BNP Paribas) confirment que l’intervention du DDD, sous réserve du débat contradictoire, n’altère pas l’équité procédurale.
§1. Sollicitations mutuelles.
- Le juge administratif peut demander les rapports du DDD pour éclairer sa décision (CE, 16 octobre 2013, Garde des Sceaux c. M.F.).
- Réciproquement, le DDD peut saisir le juge pour ses propres missions (article L.521-3 CJA).
§2. Sollicitations en cours d’instruction.
Le juge peut demander l’avis du DDD, notamment dans des contentieux disciplinaires ou syndicaux.